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Depuis mars 2015, Demba Ba n’a étrenné la moindre sélection en Lion. Entre-temps, il a connu une fracture au tibia péroné qui l’a éloigné des pelouses pendant huit mois. Aujourd’hui, le natif de Sèvres semble être en odeur de sainteté avec le sélectionneur, Aliou Cissé, qu’il a récemment rencontré à Dakar. 

Comment avez-vous vécu les 8 mois d’indisponibilité suite à votre fracture du tibia péroné ?
D’abord dans les premières 24 heures de ma blessure, j’avais pris la décision d’arrêter le football. Je me suis posé beaucoup de questions parce que c’est très rare de voir de telles blessures dans la carrière d’un footballeur. Mais, le lendemain, quand je me suis réveillé, j’ai eu un plan de carrière. Et c’était clair que je devais prendre cette blessure avec philosophie et du recul. J’ai aussi dit qu’il me faut assez de patience. Ça c’était juste pour les premiers mois. Mais pour les derniers, ce n’était pas plus compliqué parce que, quand on joue au ballon et qu’on commence à retrouver ses sensations, on s’impatiente de revenir.

Étiez-vous déprimé de rester 8 mois sans faire votre travail qui est de jouer au football ?
Non pas du tout. Il faut dire que j’en ai aussi profité pour rester à côté de ma famille et de mes amis. J’en ai aussi profité pour faire quelques activités notamment mettre en place des projets pour mon après-carrière. Au début quand on ne peut pas bouger, on regarde les matchs en tant que fan de football. Mais, après, c’est clair quand j’ai commencé à toucher au ballon, j’ai commencé à m’impatienter même si je devais continuer à prendre mon mal en patience.

Comment avez-vous vécu tout cet élan de solidarité qui s’est tissé autour de vous après la blessure ?
C’est incroyable. Sachant que j’évolue en Chine, je ne savais pas que ça allait être aussi médiatisé. C’est vrai que quand on voit les images et la nature de la blessure, on se rend compte que c’était impressionnant. Cela a touché beaucoup de personnes. Je remercie tout ce beau monde. J’ai reçu énormément de messages. J’ai pu répondre à tous ceux qui m’ont envoyé directement leurs messages et je porte aussi dans mon cœur tous ceux qui, à travers les réseaux sociaux, m’ont témoigné leur solidarité. Franchement, je remercie tous ceux qui  m’ont soutenu, ma famille et mes amis. À travers cette blessure, j’ai pris conscience de ce que je représente pour certaines personnes. Et, j’avoue que cela m’a rendu beaucoup plus fort.

De la Chine, vous avez choisi d’atterrir en Turquie pour la 2ème fois. Pourquoi à Besiktas ?
Il y a une confiance mutuelle entre ce club et moi. Il y avait une possibilité de partir en prêt pour les 6 premiers mois de la saison chinoise. Et pour moi, Besiktas était la bonne option parce que c’est un club que je connais et dans lequel je pourrai m’adapter rapidement surtout qu’au retour d’une blessure comme ça, rien n’est évident. Les gens se sont demandé comment cela a pu se faire, mais tout simplement le président et le vice-président du club m’aiment énormément. Ils m’ont encore une fois renouvelé leur confiance en me donnant la chance de retrouver un grand championnat et une grande équipe qui joue les grandes compétitions européennes. Franchement, c’est plaisant.

Allez-vous retourner en Chine ?
On attend de voir. Tout le monde sait où mon cœur se trouve. Mais, contractuellement j’ai des engagements avec les Chinois pour une saison. Et comme je le dis, tout le monde sait de quel côté balance mon cœur. C’est un sujet sur lequel je m’épancherai dans quelques semaines.

Avez-vous retrouvé toutes vos sensations de footballeur ?
Je me sens bien sur le terrain. Mais de temps en temps il y a une petite douleur. Je la gère. Je m’entraîne très bien et je suis bien suivi au club. Déjà, une heure avant les entraînements je commence à me préparer pour être à 100%. Après les séances collectives, je continue le travail individuel. Tout cela, c’est pour rester dans le haut niveau. Je ne suis pas le seul, il y a beaucoup de joueurs dans mon club qui ont connu la même blessure. Ils ont plus ou moins le même programme que moi. Je ne connais pas un joueur qui rentre sur un terrain sans qu’il ait mal quelque part. Ça fait partie de la vie d’un footballeur. Maintenant chacun se gère comme il le veut et moi je le fais bien.

Votre docteur Olivier Bringer nous a rassuré que vous avez de beaux restes devant vous…
J’ai plus que de beaux restes. J’ai de l’expérience et mentalement je réponds. Cette blessure m’a rendu psychologiquement fort. Sur le terrain, je ne me pose pas de question, Je fais ce que j’ai à faire sans problème. Maintenant, j’ai une autre manière de voir les choses en plus d’avoir rencontré des personnes exceptionnelles qui m’ont rassuré que j’ai encore de beaux restes devant moi. Ce qui va se passer va être plus incroyable que ce qui s’est passé avant.

Votre blessure a été l’occasion pour vous de vous rapprocher de plus en plus de la fédération sénégalaise de football et du sélectionneur national, Aliou Cissé…
J’ai discuté avec le 2ème vice-président de la FSF, Abdoulaye Sow qui reste une très bonne personne et un jeune dirigeant qui a envie de réussir beaucoup de choses avec l’équipe nationale et le football sénégalais. Un homme incroyable. Au mois de décembre, je suis passé voir Aliou Cissé à Dakar, chez lui. On a bien discuté et rigolé ensemble dans son salon.

Avez-vous pris du café ensemble ?
Non on n’a pas pris du café. On s’est parlé au téléphone et il m’a demandé de passer. On s’est vu et on a échangé d’homme à homme. Pendant un bon moment, on a abordé des thèmes que chacun voulait parler à l’autre.

Ça a été l’occasion de recoller les morceaux ?
On n’a pas de morceau à recoller. Comme je vous l’ai dit, la discussion a été conviviale. Il m’a parlé de sa philosophie, je lui ai parlé aussi de la mienne. Même si on n’est pas sur la même longueur d’onde au niveau de nos philosophies, mais je respecte la sienne. Chacun avance tranquillement.

Pourquoi avez-vous choisi de rencontrer le sélectionneur chez lui et non pas ailleurs dans la ville ?
Je lui ai laissé la proposition de choisir le lieu et l’heure de la rencontre. Il m’a dit : on peut se voir chez moi. J’étais disponible et je n’y ai pas trouvé d’inconvénient.

Êtes-vous redevenu sélectionnable ?
J’ai toujours été sélectionnable.

Quelle serait votre attitude s’il venait à vous rappeler en sélection ?
Je vais l’écouter. Récemment, j’étais passé sur Canal+ Afrique et j’ai fait part de mes intentions qui restent toujours claires. Pour les matchs de juin, il est clair que se serait difficile pour moi d’en faire partie, mais on est à un an de la Coupe du monde et j’espère revenir d’ici là.

Pensez-vous avoir toujours les jambes pour tenir en sélection ?
Mais, ce sont les mêmes jambes que j’avais il y a un an. Les gens ne comprennent pas beaucoup mon passage en Chine et je les comprends parce que c’est un championnat qui n’est pas médiatisé. On peut dire ce qu’on veut du championnat chinois mais quand un joueur marque 29 buts en 35 matchs sur l’année, ce n’est pas rien. je n’en connais pas un qui a réussi cela précédemment. Il y a eu du monde qui est passé et il y en a encore du bon monde qui est toujours là. j’ai battu des records et j’ai toujours été sélectionnable, mais c’est le coach qui fait sa liste et je le respecte. Aujourd’hui, je sais que j’ai toujours les capacités d’apporter un plus à l’équipe nationale. Et ce sera mieux que ce que j’ai montré par le passé.

Quelle appréciation faites-vous d’Aliou Cissé en tant qu’homme ?
En tant qu’homme, il y a quelque chose que je respecte énormément chez lui : il a ses convictions personnelles. Maintenant, on est dans le monde du football qui est différent. On n’a pas besoin de s’aimer ou de se détester pour jouer ensemble. Il faut tout simplement qu’on ait un objectif commun.

Pensez-vous que vous devrez faire partie du projet de la Coupe du monde 2018 ?
Ce n’est pas que je devrais faire partie de quelque chose. C’est tout simplement, quand une personne est consciente de ses qualités, et qu’elle sait qu’elle peut apporter un plus à cette équipe du Sénégal, je dis oui, je dois faire partie de ce projet parce que j’en ai envie. Ce n’est pas parce que je joue en Chine qu’on doit m’exclure. Il y a un Brésilien, Paulinho, qui joue à Guangzhou. Il a été sélectionné dans l’équipe qui est classée première au classement FIFA. Il a été retenu lors du match contre l’Uruguay ou le Chili et il a mis trois buts. Pourtant, on parle du Brésil, de la meilleure équipe au classement FIFA.

Sur le plan des statistiques, vous n’avez rien prouvé durant les 9 derniers mois…
Malheureusement, en football, les gens ne voient que les statistiques. Pourtant, avant qu’on en arrive à ces chiffres, il y a tout un processus mis en place par les gens de manière à ce qu’ils puissent arriver aux statistiques. Et c’est de ce processus là que je parle. Vous savez, il y a beaucoup de choses qui se passent sur le terrain et qu’on ne tienne pas en compte. Je vous donne l’exemple de Gana Guèye. Un joueur qui abat un travail colossal mais on ne va jamais parler de lui. À la CAN, on va se focaliser sur Sadio Mané un joueur exceptionnel et Diao Baldé Keita qui est l’un des meilleurs de cette équipe. Mais, on ne parle jamais d’un  joueur comme Gana Guèye. Il y a des joueurs expérimentés sur lesquels on peut compter. On ne doit pas s’en passer même si les gens se poseront toujours la question de savoir pourquoi ils sont là.

Quel a été votre sentiment après l’élimination du Sénégal de la CAN 2017 ?
Sincèrement, je pensais que le Sénégal allait gagner la Coupe d’Afrique. L’équipe avait une qualité exceptionnelle. Malheureusement, elle s’est fait éliminer par le Cameroun qui n’a pas été terrible mais qui avait fait preuve d’un caractère impressionnant. Ce caractère est d’une importance capitale. On voit dans les grands clubs et les grandes équipes l’intelligence collective. Cela reste aussi une grande qualité dans le groupe. Parce que ça permet à tous de faire la même chose, au même moment et pour le même objectif. Et je pense que le Cameroun a eu, en un moment donné, cette intelligence collective. Et à mon humble avis, c’est de ça qu’on a besoin dans notre Tanière. Nous devons tous faire la même chose, au même moment pour avoir les résultats escomptés. Que ce soit les joueurs qui jouent et ceux qui sont sur le banc de touche, l’intérêt du Sénégal doit être primordial.

Qu’est-ce qui a manqué à cette équipe du Sénégal ?
J’estime que si l’équipe avait plus d’expérience et une petite force de caractère au niveau des joueurs, on y  arriverait. Au lendemain de l’élimination, j’ai envoyé un texto à Aliou Cissé pour lui dire de continuer à se donner à 100%, il aura les récompenses tôt ou tard. Cette équipe est composée de joueurs que je connais pour la plupart et ils sont biens.

Qu’avez-vous ressenti après avoir vu les images de la blessure de Sadio Mané ?
J’étais avec mon préparateur physique. On regardait la rencontre à la télévision comme tout le monde. Quand j’ai vu les images pour la première fois, j’ai automatiquement pensé que le péroné était cassé. La manière dont la jambe a tourné, j’ai eu peur. Dans la soirée, j’ai essayé de l’appeler en vain. Mais, j’ai eu de ses nouvelles un peu plus tard. Je suis convaincu qu’il va se remettre.

Il semble que vous comptez acheter une équipe de football aux Etats-Unis. vous le confirmez ?
Effectivement, nous sommes sur la fin du projet. Nous attendons la validation qui devait intervenir très tôt. On a donné tout ce que la Ligue nous a demandé en 2ème division américaine. Une fois que nous obtenons la validation, nous commencerons à monter notre club et notre équipe de football.

Quel est le nom du club ?
Il est déjà basé à San Diego, mais pour le nom exact du club, je vous le donnerai une fois que la validation sera faite.

N’est-il pas suicidaire de votre part de s’engager dans un tel projet qui nécessite beaucoup d’argent ?
Vous savez, rien qu’avec mon nom et celui des personnes qui sont avec moi, nous n’avons pas à sortir de l’argent pour mettre en place un tel projet. C’est important d’avoir des investisseurs avec qui vous avez la même philosophie, la même valeur. Parce qu’au-delà de tout, c’est la valeur humaine qui compte. Que ce soit Moussa (Sow) et moi qui sommes tous dans ce projet-là et les autres, on a tous les mêmes valeurs. Les investisseurs qui viendront mettre leur argent pour le fonctionnement de ce club ont la même valeur humaine que nous. On peut avancer un montant mais j’estime que les personnes qui m’accompagnent dans ce projet sont humainement irréprochables. Les financiers sont très contents de mettre la main à la poche parce qu’ils  savent qu’en face, ils ont des hommes de valeur.


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